Le vert intense n’est pas forcément la couleur naturelle d’un parcours de golf. Mais c’est la teinte que la plupart des joueurs s’attendent à trouver, associant le vert profond à […]
Le vert intense n’est pas forcément la couleur naturelle d’un parcours de golf. Mais c’est la teinte que la plupart des joueurs s’attendent à trouver, associant le vert profond à un parcours bien entretenu. «Selon la graminée, la nature du sol ou le niveau de qualité recherché, les parcours auront des besoins en eau, en fertilisation ou en opérations mécaniques très différents d’un parcours à l’autre», commente Stéphane Rouen, consultant en gazon sportif et gérant de la société GK Consult. La mission principale du greenkeeper est donc de s’adapter à la graminée de son parcours et à ses contraintes. Ainsi la paspalum ou le bermuda que l’on trouve sous les latitudes chaudes n’aura pas les mêmes besoins en eau, en tonte ou en engrais que les graminées de nos régions tempérées. «Entretenir à l’américaine, un links comme Granville, c’est-à-dire sur-arrosé et sur-fertilisé, serait une aberration», reprend Stéphane Rouen, ancien surintendant de ce links centenaire, dessiné par Harry Colt et dont les fairways arborent la plupart du temps une jolie couleur brune…
Car malheureusement, le greenkeeper est souvent considéré par le golfeur comme un empêcheur de golfer tranquille qui programme des carottages, verticut et scarification à tout bout de champs ! Or il ne faut pas oublier que le gazon est un organisme vivant qui peut tomber malade ou être stressé, par les conditions climatiques ou par une trop forte fréquentation. Les traitements et opérations qu’ils soient préventifs ou curatifs sont donc indispensables. De la même manière, il faut aussi accepter que le parcours ne soit pas toujours aussi beau que l’on aimerait, ni les greens aussi roulants. «Chaque végétal a son point bas et notamment en hiver, le rôle du greenkeeper est de maintenir le gazon en bon état, prêt à repartir», explique notre spécialiste du gazon. En effet l’intendant de parcours se livre à une compétition permanente avec la nature où alternent le chaud et le froid, la sécheresse et l’humidité, le vent et les bactéries, sans compter les dégâts des lapins, sangliers, taupes et autres bestioles.
Trouver le bon équilibre entre les besoins esthétiques et golfiques de son tracé et les besoins du sol et du gazon est le numéro d’équilibriste auquel doit se confronter le greenkeeper. Sans compter que celui-ci doit souvent composer avec une architecture qu’il n’a pas choisie… En effet c’est dès la conception d’un parcours que certains paramètres liés à son entretien sont définis. La taille, la forme ou l’élévation des départs, des greens ou des bunkers va jouer directement sur la future maintenance et sur le coût de celle-ci. Car au final, on en revient toujours à un problème de budget. Les parcours des années 1980, à l’architecture grandiose et plantées de graminées américaines nécessitent des moyens énormes, avec des opérations type verticut ou top-dressing, aussi bien sur les greens que sur les fairways et des besoins en eau et en fertilisation déraisonnables. A défaut d’un tel entretien, et donc de green-fees aux tarifs revus à la hausse, le résultat est la plupart du temps décevant.
Définir le budget idéal pour l’entretien d’un golf est donc très dépendant du type de parcours, de son sous-sol, de la graminée, du standing recherché… Il en va de même du nombre de jardiniers nécessaires. «Pour un parcours difficile à entretenir, en forêt et construit sur un sol terreux, un minimum d’un greenkeeper et de 5 jardiniers sera nécessaire», continue Stéphane Rouen. Un travail qui serait largement allégé si les joueurs étaient plus respectueux du parcours. En effet, relever un pitch ou un divot, est une action simple et rapide sur le moment, mais qui va demander beaucoup de travail et de temps à l’équipe d’entretien après coup. Chaque golfeur pourrait ainsi être un greenkeeper à son échelle. Car au final, le golfeur comme l’intendant de parcours ont un but commun, avoir le meilleur entretien possible afin d’y jouer au golf dans les meilleures conditions.
Les départs
Il faut avoir les pieds à plat. Il n’y a rien de pire qu’un départ en forme de bol renversé. La surface doit donc être plane et régulière, et assez vaste pour varier les positions des marques de départ. Après chaque diffusion du Masters, Stéphane Rouen voit réapparaître le syndrome Augusta. Les golfeurs et présidents de clubs ont vu un parcours manucuré à l’extrême et ne rêvent plus que de tontes croisées, de départs au cordeau et de rhododendrons à foison. Or un golf est un terrain de sport et pas un parc, l’aspect esthétique ne doit pas prendre le pas sur la qualité elle-même. «Les golfs peuvent être tentés de faire du beau au détriment du bon», explique Stéphane Rouen. Au niveau du greenkeeping lui-même, les formes ovoïdes et de grande taille permettent une tonte facile. Au contraire les formes carrées ou les petites surfaces nécessitent une tonte à la simplex, ces tondeuses à main, très maniables et à la qualité de tonte parfaite. Ces dernières nécessitent aussi plus de temps et de main d’œuvre.
Tonte entre 8 et 15 mm de hauteur (10 à 12 mm en moyenne)
Fréquence : de 1 à 4 fois par semaine et en saison, 2 fois par semaine en moyenne.
Les fairways
La balle doit être portée en permanence par un tapis végétal homogène. Cela évite d’avoir à placer la balle. La hauteur de tonte ne doit pas être trop élevée afin que la balle ait de la roule. La plupart du temps, la tonte est faite en aller-retour, aussi appelée black & white, en référence à l’alternance des bandes de tonte (sombre et clair). Certains golfs pratiquent les tontes croisées. L’esthétisme est le principal intérêt de cette technique, qui nécessite aussi plus de temps. Sur les fairways très bosselés, cela permet de tondre les brins dans plusieurs sens et donne donc une tonte plus homogène. La principale opération mécanique effectuée sur les fairways est l’aération. A cause du feutre qui l’étouffe, le gazon est toujours en manque d’air. C’est aussi ce feutre qui est à l’origine des zones d’eau fortuite. Des opérations de sablage ou de top-dressing peuvent être entreprises, mais elles sont assez coûteuses à cause de la surface importante que représentent les fairways sur 18 trous, en moyenne 10 hectares. Un tapis végétal brulé en été n’est pas le signe d’un mauvais entretien. Aujourd’hui seuls les links arrivent à faire passer l’idée qu’un fairway n’est pas forcément vert en été. Un fairway peut être brun si sa surface et son port restent homogènes. Les bons joueurs apprécient ces sols un peu fermes où il faut un bon contact de balle.
Tonte entre 12 et 20 mm de hauteur (15 à 16 mm en moyenne)
Fréquence : de 1 à 4 fois par semaine et en saison, 2 fois par semaine en moyenne.
Les greens
Les golfeurs ne jurent en général que par leur vitesse. Les pros jugent plutôt un green sur la qualité de sa roule, à savoir un green qui tient bien la ligne et qui ne sautille pas… Si en plus il est rapide tant mieux. Une bonne tenue de ligne est un savant dosage entre brossage, roulage, irrigation et top-dressing. Un green se doit aussi d’être ferme, ne pas trop pitcher et offrir une grande variété de positions de drapeaux. On notera d’ailleurs que la plupart des grands parcours comme Fontainebleau ou Chantilly sont entretenus comme des links (greens fermes, pas trop d’arrosage…). Au niveau de la tonte, deux écoles s’affrontent : avec la triplex, ces grosses tondeuses autotractées de 800 kilos, rapides et économiques et la simplex, une tondeuse à main, souvent détrônée par le triplex pour des raisons budgétaires. Or la simplex revient en force, notamment au Golf National, grâce à ses nombreux atouts. Celle-ci procure une qualité de coupe incomparable, elle ne compacte pas les greens car elle pèse moins d’une centaine de kilos, ses rouleaux permettent de rouler les greens et ses fines bandes de tonte confèrent un meilleur aspect visuel. Son seul inconvénient est d’être chronophage pour l’équipe de greenkeeping. Si le putting green a souvent l’air de qualité différente des greens du parcours, cela est dû à une sur-fréquentation, qui limite le nombre d’opérations d’entretien réalisées et un tapis végétal plus sollicité. Le green est la partie du terrain la plus fragile et la plus exposée aux maladies, aux excès ou manque d’eau, au stress, aux pitchs, au feutre… Stéphane Rouen, consultant en gazon sportif, préconise d’avoir un practice green pour l’entraînement, l’école de golf et les initiations et un 19e green, réservé aux joueurs avant une compétition.
Tonte entre 3 et 6 mm de hauteur
Fréquence : de 3 à 7 fois par semaine
Les bunkers
Petits et profonds comme les pots bunkers écossais ou pentus et en trèfles comme ceux de l’architecte Robert Trent Jones, l’entretien de ces bunkers n’est pas mécanisable. Les premiers ne se ratissent qu’à la main et les abords des seconds se tondent à la flimmo avec des découpes de bunkers assez difficiles. Les bunkers que l’on trouve sur les links sont faits par superposition de strates de gazon et doivent être refaits tous les 3 à 5 ans, à l’image des 54 bunkers du golf de Granville. Le grain ne doit pas trop gros et un bunker doit être régulièrement rechargé en sable. Il faut alors que le sable ait le temps de se compacter d’où l’importance du taux d’humidité. Trop humide, la balle plugera dans le sable, trop sec, le sable se déstructure. Les bunkers de green ont l’avantage de profiter de l’arrosage automatique des greens, ce qui permet de tasser légèrement le sable.
Les roughs et sous-bois
Pour des raisons commerciales, les golfs ont tendance à couper de plus en plus les roughs et élargir les fairways afin d’accélérer le jeu. Un bon rough doit pénaliser un mauvais coup, mais on doit pouvoir y retrouver sa balle. L’idéal est d’utiliser des graminées touffues mais peu denses au pied. Les roughs peuvent aussi être des zones naturelles, où subsistent les écosystèmes d’origine et intégrées à l’environnement. Donc avec un entretien minimum. Quant aux sous-bois, ils doivent aussi être suffisamment nettoyés pour que l’on puisse y retrouver sa balle et les branches basses élaguées afin de pouvoir monter le club à mi-hauteur.
Tonte du pre-rough entre 30 et 70 mm de hauteur
Tonte du rough, aucune limite
4 questions à Alejandro Reyes, superintendant du Golf National
« Les bunkers sont la vitrine d’un parcours »
Quelle est la partie du terrain la plus difficile à entretenir ?
C’est bien sûr les greens à cause des hauteurs de tonte très basses, qui les rendent fragiles et sensibles aux maladies. Et puis la plupart du temps on est jugé sur la qualité des greens. Mais les bunkers sont aussi une partie très sensible de l’entretien d’un golf. Pour moi les bunkers sont la vitrine de qualité d’un parcours. Avoir des bunkers homogènes avec la même profondeur de sable et le même niveau de compactage, c’est ce qui fait la différence entre un golf top niveau et les autres.
Idéalement combien faut-il de jardiniers pour entretenir un parcours ?
(Il rigole). Alors dans l’idéal, il faudrait un jardinier par trou. C’est ce que l’on trouve dans les meilleurs parcours du monde. Mais chaque golf est différent, avec des contraintes d’entretien variables. Certains sont plus faciles à entretenir avec peu de bunkers, des greens assez petits, sans trop d’ondulations, bien drainé, avec un bon système d’arrosage…
Quelles sont les principales difficultés pour l’entretien d’un parcours comme l’Albatros ?
C’est un tracé très complexe avec de grands greens, beaucoup d’obstacles et de bunkers, des fairways ondulés, des greens surélevés. C’est un parcours fantastique à entretenir mais aussi très difficile à cause de son succès. C’est le parcours de la Fédération et comme il y a beaucoup de monde, on doit sans cesse s’arrêter pour ne pas trop déranger les joueurs. Pour obtenir le haut niveau de qualité que l’on souhaite, à cause de la fréquentation chaque opération prend plus de temps.
Quels changements avez-vous apporter à son entretien ?
L’objectif pour l’Albatros est d’avoir la qualité d’entretien de l’Open durant toute l’année. Ainsi après la tonte, on lisse les greens. En saison, ils sont à 3,30 mètres au speedmeter, soit presque la vitesse demandée par le Tour durant l’Open de France. Les départs, les colliers de green et les greens sont entièrement tondus à la simplex. En vue de la Ryder Cup, beaucoup de choses ont été changées sur l’Albatros comme le système d’arrosage et de drainage, plusieurs greens et départs… Nous avons aussi changé la structure du sol avec un programme de sablage très intensif. On a déjà injecté plusieurs milliers de tonnes, soit une couche de sable de plusieurs centimètres. Cela permet d’améliorer le drainage et d’avoir un gazon de meilleure qualité. Les fairways et les greens sont aujourd’hui plus fermes. On a également changé la graminée sur les greens afin d’avoir une herbe 100% agrostis, ce qui est aussi bénéfique pour la qualité.
Lexique
Le feutre est une accumulation en surface de matière organique plus ou moins décomposée. Son excès, aussi bien sur les greens que sur les fairways, empêche les échanges liquides et gazeux nécessaires à la vie du gazon. Pour lutter contre le feutre, plusieurs opérations existent, dites d’aération, et énumérées ci-dessous.
Le verticut est une opération mécanique où de multiples couteaux coupent et extirpent le feutre.
Fréquence : en période de pousse, 3 à 10 fois par an.
La scarification est une opération d’aération par incision à l’aide de lames.
Fréquence : hors période sèche, 2 à 5 fois par an. Et plus si scarification de type spike avec de petites lames moins profondes.
Le carottage est une opération consistant à retirer des carottes de terre à l’aide d’emporte pièces ou louchets afin d’extirper du feutre.
Fréquence : pas de période définie, opération lourde qui dépend de l’état du gazon, de la météo, des moyens du golf et du calendrier des compétitions. 1 à 2 fois par an.
Le sablage est un apport de sable en remplacement des « carottes » du carottage.
Fréquence : comme le carottage.
Le top-dressing est un apport léger en sable pour améliorer la planimétrie et l’aération du feutre.
Fréquence : toute l’année, en fonction de l’état du feutre, 3 à 15 fois par an.